
Cerisiers en fleurs : partez à la découverte du hanami, ce rituel ancestral japonais
Sommaire de cet article
Le hanami, un rituel millénaire
Au Japon, l’observation des cerisiers en fleurs s’appelle le « hanami » (花見), littéralement « regarder les fleurs ».
Cette tradition remonte à plus de mille ans, ses premières traces écrites datant de l’ère Heian (794-1185) selon les historiens de l’Université de Kyoto.
Initialement, c’était la noblesse qui se réunissait sous les cerisiers pour composer des poèmes et méditer sur la beauté fugace des fleurs.
L’empereur Go-Daigo (1288-1339) organisait déjà des festivités sous les cerisiers, comme le rapportent les chroniques du Taiheiki, texte historique du XIVe siècle.
Ce n’est qu’à partir de l’époque Edo (1603-1868) que cette coutume s’est démocratisée, devenant une fête populaire où toutes les classes sociales se retrouvaient pour pique-niquer sous les arbres fleuris.
« La fleur de cerisier ne devient pas seulement un spectacle pour les yeux, mais aussi un moment de contemplation sur le caractère éphémère de toute chose. » – Motojirō Kajii, écrivain japonais du début du XXe siècle
Une philosophie dans chaque pétale
Ce qui fait la particularité des fleurs de cerisier, c’est leur brièveté : en moyenne, elles ne durent qu’une semaine, parfois moins si le vent ou la pluie s’en mêlent.
Cette caractéristique en fait le symbole parfait du concept japonais de « mono no aware » (物の哀れ), une conscience douce-amère de l’impermanence des choses.
Le Dr. Haruo Shirane, professeur de littérature japonaise à l’Université Columbia, explique dans son ouvrage « Japan and the Culture of the Four Seasons » (2012) que cette appréciation de l’éphémère est ancrée dans la sensibilité esthétique japonaise et a profondément influencé les arts, la littérature et même le jardinage.
Les variétés de cerisiers ornementaux : un patrimoine botanique extraordinaire
Le cerisier ornemental le plus courant est sans doute le Prunus serrulata, communément appelé cerisier du Japon. Mais saviez-vous qu’il existe plus de 400 cultivars différents de cerisiers à fleurs ?
Certains sont le fruit de siècles de sélection par les jardiniers japonais.
Selon le Dr. Naomi Oreskes de l’Institut national de recherche agronomique japonais, les variétés les plus anciennes comme le ‘Yamazakura’ (Prunus jamasakura) sont indigènes au Japon et existent depuis des millénaires.
Parmi les cultivars remarquables que vous pourriez introduire dans votre jardin, on trouve :
- Le ‘Somei Yoshino’ : la variété la plus populaire au Japon, aux fleurs blanc rosé
- Le ‘Shirotae’ (Mont Fuji) : aux fleurs doubles d’un blanc pur
- Le ‘Kiku-shidare’ : au port pleureur et aux fleurs doubles rose vif
- Le ‘Kanzan’ : aux fleurs rose foncé très doubles, probablement le plus répandu en Europe
Cultiver son propre spectacle de hanami
Si vous souhaitez créer un coin de contemplation printanière dans votre jardin, voici quelques conseils pratiques validés par la Société Nationale d’Horticulture de France :
Les cerisiers ornementaux apprécient :
- Un sol bien drainé, légèrement acide à neutre (pH 6,5-7)
- Une exposition ensoleillée à mi-ombragée
- Un arrosage régulier mais modéré, surtout durant les deux premières années après la plantation
La plantation s’effectue idéalement entre octobre et mars, hors période de gel.
Prévoyez un espace suffisant – au moins 5 mètres pour les grandes variétés – car ces arbres peuvent atteindre 8 à 10 mètres de hauteur à maturité.
Contrairement à une idée reçue, la plupart des cerisiers ornementaux sont assez rustiques et résistent bien jusqu’à -15°C, ce qui les rend adaptés à la majorité des régions françaises.
Le hanami en France : une tradition qui s’enracine
Saviez-vous que la France abrite la plus grande collection de cerisiers japonais d’Europe ? Le Parc Oriental de Maulévrier, en Maine-et-Loire, compte plus de 450 cerisiers ornementaux et organise chaque année des festivités inspirées du hanami.
Selon Cécile Trémolières, directrice du parc, « l’intérêt des Français pour cette tradition japonaise ne cesse de croître.
Ce n’est pas seulement l’attrait pour l’exotisme, mais aussi une résonance avec notre propre besoin de renouer avec les cycles naturels. »
D’autres lieux remarquables pour admirer les cerisiers en fleurs en France incluent :
- Le Jardin des Plantes à Paris
- Le Parc de Sceaux et son bosquet de cerisiers
- Le Jardin Albert Kahn à Boulogne-Billancourt
- Le Parc du Thabor à Rennes
Une leçon de jardinage… et de vie
En observant les cerisiers en fleurs, nous recevons peut-être la plus belle leçon que la nature puisse nous offrir : la beauté la plus intense est souvent celle qui ne dure pas.
Dans notre monde où tout va vite et où l’on cherche la permanence, cultiver et contempler ces arbres nous invite à une pause méditative.
Comme l’écrivait si justement la botaniste britannique Val Bourne dans son ouvrage « The Living Jigsaw » (2017) : « Le jardinage nous enseigne la patience et l’acceptation des cycles naturels. Les cerisiers en fleurs sont peut-être l’expression la plus parfaite de cette philosophie. »
Alors ce printemps, que ce soit dans votre jardin ou lors d’une promenade dans un parc, prenez le temps de vous arrêter sous un cerisier en fleurs.
Observez les pétales qui voltigent au gré du vent, comme l’ont fait tant de générations avant nous. Dans ce moment de contemplation, vous pourriez bien trouver une sérénité inattendue et une connexion profonde avec le rythme éternel des saisons.
Sources et lectures complémentaires
- Shirane, H. (2012). Japan and the Culture of the Four Seasons: Nature, Literature, and the Arts. Columbia University Press.
- Kuitert, W. (2015). Japanese Gardens and Landscapes, 1650-1950. University of Pennsylvania Press.
- Société Nationale d’Horticulture de France (2018). Guide pratique des arbres d’ornement.
- Oreskes, N. et al. (2010). « Genetic Diversity of Historical Cherry Cultivars in Japan ». Journal of the Japanese Society for Horticultural Science, 79(1), 42-52.
- Archives du Parc Oriental de Maulévrier, consultées en 2023.
- Bourne, V. (2017). The Living Jigsaw: The Secret Life in Your Garden. Royal Horticultural Society.
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